Et si c’était le moment de devenir agile ?
Dire que cette pandémie du coronavirus modifie notre mode de vie représente un euphémisme pour le moins évident. Cette période s’accompagne de changements stressants dans un contexte peu rassurant mais qui pourtant a fait naître de nouvelles opportunités.
Notre société est mise à l’épreuve d’une manière inédite et révèle ainsi ce qu’elle a de pire quelques fois, et de meilleur la plupart du temps. Les exemples de solidarité ne manquent pas. J’aimerais vous en présenter un dont j’ai pu être le témoin et qui met en évidence le pouvoir de l’auto-organisation, de l’innovation et de l’organisation horizontale.
Une clinique dans le Tarn
Commençons par situer notre contexte. Nous sommes à la fin du mois de Mars dans une clinique du Sud-Ouest de la France. Du fait du COVID-19, certaines régions du Nord-Est voient la situation se tendre dans les services d’urgence. La France vient tout juste de se confiner et les autres régions se préparent à ce qui pourrait être un raz-de-marée de patients contaminés.
En première ligne, les personnels soignants font remonter à l’intendance, leurs besoins en matériel spécifique : masques, blouses, visières… La hiérarchie comprend bien l’enjeu, mais l’épidémie est rapide, brutale. La bureaucratie et la logistique, lestés par des processus administratifs lourds, ne peuvent pourvoir aux demandes même si les pénuries ne sont pas la règle.
L’idée d’un médecin
C’est dans ce contexte qu’un anesthésiste-réanimateur de la clinique prend l’initiative de relayer la vidéo d’un entrepreneur parisien. Ce dernier fabrique des visières de protection à l’aide d’une imprimante 3D. Devant le manque de matériel, le médecin lance ainsi un appel à la solidarité sur les réseaux sociaux afin qu’une bonne âme de la région leur fournisse ce type de matériel.
L’appel est entendu par une entreprise qui fabrique des piluliers. Très vite, elle livre une centaine de visières, et ce gratuitement. Elle en offrira une autre centaine quelques semaines plus tard !
Cette générosité et cet altruisme auraient-ils été possibles en dehors d’une période aussi particulière ? Probablement, mais je suis persuadé que le contexte a grandement facilité ce type de collaboration.
Focalisés pour surmonter l’épreuve
En premier lieu la crise a fédéré les gens autour un but commun, à savoir lutter contre l’épidémie. Une personne a donné à une autre un moyen d’œuvrer plus efficacement pour une cause commune. Il s’agit là de la définition même de la focalisation, mécanisme qui concentre les efforts d’un groupe de personnes pour atteindre un objectif.
« Focus » est d’ailleurs le premier (et le plus important ?) principe du framework agile Scrum, celui qui oriente tous les membres d’une équipe vers un objectif de sprint.
Ensuite, et sans entrer dans des considérations psycho-sociologiques pour lesquelles je suis absolument incompétent, on peut aisément imaginer que cet altruisme est motivé par le besoin de se sentir utile, d’agir à un moment où les gens ont besoin de soutien.
Cet exemple fait écho à un cas bien plus médiatisé. Celui de Décathlon qui a rendu public les plans de ses masques « Easybreath » afin de permettre à d’autres, entreprises ou particuliers, d’en fabriquer pour accompagner les respirateurs. Et cela en plus d’en avoir bloqué la vente aux particuliers pour les offrir en grand nombre aux soignants. L’entreprise a également développé en quelques jours une valve, imprimable en 3D, permettant d’adapter les-dits masques aux respirateurs.
Droit à l’erreur induit par l’urgence
Mais revenons à notre clinique du Sud-Ouest. Lorsque j’ai eu vent de cette histoire, je me suis demandé dans quelle mesure le personnel médical peut de lui-même commander du matériel. Il doit effectivement y avoir tout un tas de normes à respecter et de vérifications dans le domaine de la santé. Cela étant dit, une visière de protection en plus de l’équipement ne présente de risque ni pour le patient, ni pour le soignant, a priori.
Il s’agit du fruit de l’innovation facilitée par un contexte bienveillant.
Les visières demandées par le médecin et livrées par l’entreprise ne sont pas forcément parfaites. Mais qui le leur reprochera ? Elles ont apporté une valeur certaine en un minimum de temps.
La situation d’urgence a ainsi induit un droit à l’erreur qui favorise la prise d’initiative à tous les niveaux, sans avoir à passer par des processus longs. C’est ce que j’appellerais l’organisation horizontale.
Tout pour être agile
Je vous disais que cette crise représentait une opportunité. Elle a fait naître les conditions de focalisation, de bienveillance, d’entraide et de droit à l’erreur. Comme contexte pour être agile, on va vu pire !
Ainsi les initiatives prises par les personnes sur le terrain ont permis de lutter plus efficacement contre la pandémie grâce notamment à un contexte plus agile. Nous pouvons alors nous demander comment pérenniser ces conditions une fois la crise passée, et ainsi faire émerger de nouvelles interactions plus altruistes.